LE CHANT DES PARTISANS : L'HYMNE DE LA RESISTANCE

 

 

Le Chant des partisans est une œuvre importante. Elle a servi d’hymne à la Résistance française durant l’occupation du pays par les nazis.

 

 

I/ Présentation de l’œuvre et de sa musique

 

Le Chant des partisans a été créé entre 1941 et 1943 à Londres, en « France libre », par Anna Marly, Maurice Druon et Joseph Kessel. Cette véritable « Marseillaise de la résistance » est devenue, dès 1943, le générique de l’émission Honneur et Patrie diffusée sur la BBC (radio britannique). Le chant est programmé sur cette radio essentielle à la France libre deux fois par jour, sans les paroles. Elle est même souvent sifflée pour rester audible malgré le brouillage de la BBC fait par les Allemands.

 

        En effet, la France libre de De Gaulle, basée à Londres, pour faire face au régime de Pétain et à l’occupant nazi, s’appuie sur une nouvelle arme redoutable : la diffusion d'informations résistantes en France occupée, dont ce célèbre hymne, le « Chant des partisans ». Les paroles de ce chant sont parachutées par les avions de la Royal Air Force, et il devient rapidement un hymne ralliant les résistants luttant contre le diktat de Vichy.

 

Une livret Chant des partisans Chant de la libération

Une du « livret » du Chant des partisans, aussi appelé Chant de la libération (éditions R. Breton)

 

 

Ce chant, aussi appelé Chant de la libération, est inspiré d'un air populaire russe, les premières paroles ayant d’ailleurs été écrites en russe par Anna Marly. Celles-ci ont ensuite été traduites et modifiées par Maurice Druon et Joseph Kessel. Les paroles définitives sont publiées dans le 1er numéro des Cahiers de Libération, dont l'édition originale porte la mention suivante : « Ce volume a été achevé d'imprimer sous l'occupation nazie le 25 septembre 1943 ».

 

Le musique est interprétée par une voix de femme, des tambours ainsi que des cuivres de fanfare. L'utilisation des tambours évoque une marche militaire. La mélodie du chant fonctionne selon le principe de l’alternance en A-A-B-B, tout comme les rimes.

 

         Ce chant atteste de la puissance des mots et de la nécessité de préserver l’existence d’une culture française libre permettant de s'opposer à toutes formes d'inégalités et de barbarie caractéristiques du régime de Vichy. Le manuscrit original de cette œuvre a été classé « Monument historique » en 2006 : ce chant est donc un élément important du patrimoine français, de notre histoire. Il est important de le présenter ici.

 

Feuillet du manuscrit original du Chant des partisans

Un des feuillets du manuscrit original du Chant des partisans

 

        

          II/ La naissance et les auteurs du Chant des partisans

 

         Le Chant des partisans est une œuvre de commande. Il a été commandé par le réseau Libération et son chef Emmanuel d’Astier de la Vigerie. Selon celui-ci, on «ne gagne la guerre qu’avec des chansons ». Nous allons vous présenter les trois artistes qui ont créé ce chant.

 

Laissez-passer d’Anna Marly pour le QG des FFL (1942)

Laissez-passer d’Anna Marly pour le QG des FFL (1942)

 

 

ANNA MARLY : Anna Marly, née Anna Betoulinsky (1917-2006), est une chanteuse et guitariste d'origine russe. Née à Saint-Pétersbourg pendant la révolution bolchevique au cours de laquelle son père a été fusillé, Anna quitte la Russie pour la France au début des années 20 avec sa mère, sa sœur et sa nounou. À l'âge de 13 ans, la nounou lui offre une guitare : c’est une révélation. Quelques années plus tard, elle prend le pseudonyme d'Anna Marly pour commencer une carrière de chanteuse.

 

En 1940, Anna Marly connaît un nouvel exode à cause de la débâcle. Cet exode la mène à Londres en 1941, où elle s'engage comme cantinière au quartier général des Forces françaises libres (cf. image ci-dessus). C'est là qu'elle compose à la guitare, en 1941, les paroles russes et la musique du futur Chant des partisans. En 1943, toujours à Londres, Joseph Kessel et Maurice Druon écrivent les paroles françaises de ce chant, dont Anna est la première interprète.

 

         Elle est décorée de l'ordre national du Mérite en 1965. En reconnaissance de l'importance de son œuvre, Anna Marly est nommée chevalier de la Légion d'honneur par le président François Mitterrand, en 1985. Elle meurt en 2006 aux Etats-Unis.

 

Joseph Kessel au début des années 1940

Joseph Kessel au début des années 1940

 

 

JOSEPH KESSEL : Joseph Kessel est un aventurier, journaliste, reporter et romancier français, né en 1898 à Villa Clara (en Argentine). Il a d’abord vécu en Russie, à Orenbourg avec sa famille d'origine juive. Puis dès 1902, ses parents s’installent dans le sud de la France. Après avoir été brancardier puis acteur, il a collaboré avec de nombreux journaux comme le Figaro, ou le Mercure. Il créé ensuite en 1928 à Paris un hebdomadaire politique littéraire, Le Gringoire.

 

Grand reporter pendant la Guerre d’Espagne, il rejoint la résistance dès 1940 avec son neveu Maurice Druon. Puis fin 1942 il traverse les Pyrénées, et rejoint Londres en 1943, où il co-écrit les paroles du Chant des partisansA la libération, il assista comme reporter au procès du général Pétain et au procès de Nuremberg. L'académie française lui ouvre ces portes en 1962. Il meurt le 23 juillet 1979 dans le Val d'Oise (en France).

 

Maurice Druon en 1973

Maurice Druon en 1973

 

 

MAURICE DRUON : Maurice Druon est né le 23 avril 1918, à Paris. Neveu de Joseph Kessel, c’est un grand écrivain français. Il a commencé à publier très jeune, dès la fin des années 1930. Grâce à son oncle, il a fréquenté avant-guerre de nombreux artistes.

 

En 1943, il rejoint Londres pour s'engager dans les FFL (Forces Françaises Libres). Il a l'honneur de rencontrer le général De Gaulle. Il devient l’aide de camp de Francois d’Astier de la Vigerie, frère d’Emmanuel, celui qui passe commande du Chant des Partisans.

 

A la Libération, il se consacre à l’écriture. Il connait un grand succès, notamment pour Les rois Maudits parus en 1955. En avril 1973, Maurice Druon devient ministre des Affaires culturelles, sous la présidence de Georges Pompidou. Il est élu secrétaire perpétuel de l'Académie française en novembre 1985. Maurice Druon est aussi nommé « Grand'croix » de la légion d'honneur. Il meurt en 2009, à l’âge de 90 ans.

 

 

 

III/ Notre analyse personnelle des paroles du Chant des partisans

 

       La musique et les paroles du Chant des partisans sont insociables. Mais le texte écrit par Joseph Kessel et Maurice Druon est très fort, très puissant. Il ne laisse pas insensible. Nous avons décidé de l’étudier. Le voici :

 

 


LE CHANT DES PARTISANS

 

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ohé, partisans, ouvriers et paysans, c’est l’alarme.
Ce soir l’ennemi connaîtra le prix du sang et les larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite...

C’est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève...

Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.
Demain du sang noir séchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute...

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu’on enchaîne ?
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh... 

 

 

 

 

STROPHE 1

 

Image d’illustration Chant des Partisans Corbeaux Vol noir

Image d’illustration (crédits : Code by Claudia, sur http://www.ateliermagique.com/)

 

 

Le chant se compose de quatre strophes originales. Dans la première strophe, les paroles interpellent directement l'auditeur avec la répétition aux V.1 et V.2 (« Ami, entends-tu »). Cette répétition est une anaphore. De plus, le mot « Ami » s'adresse à quelqu'un qu'on connaît, à qui l'on a confiance. Nous pensons aussi que le tutoiement qui suit (« entends-tu ») permet à l'auditeur de mieux prêter l’oreille au message porté par la musique.

 

L.1 : La métaphore de la L.1 (« le vol noir des corbeaux ») fait référence aux bombardiers nazis bombardant la France et l’Europe. On peut aussi, au sens propre, rapprocher ces paroles des corbeaux charognards, auxquels sont comparés les Allemands pillant, terrorisant le pays.

 

L.2 : La personnification « les cris sourd du pays qu'on enchaîne » nous fait penser à la France occupée, voulant se révolter mais emprisonnée par la barbarie nazie. Ce message est encore adressé à un « ami » (tutoiement).

 

L.3 : Le chant s’adresse ici à tout le peuple français : « ouvriers et paysans ». Il incite à prendre les armes : « c'est l'alarme ».

 

L.4 : « L'ennemi » connaîtra enfin ce qu'il fait subir au peuple français : « [...] connaîtra le prix du sang et les larmes ». Le texte exprime ici un désir de vengeance, basé que la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent). A noter que le chant ne parle jamais clairement des nazis : tout est implicite. Mais dans le contexte de l'époque, le message du chant était clair.

 

 

STROPHE 2

 

Acte de sabotage de la Résistance en 1944 Train Explosion

Acte de sabotage de la Résistance en 1944 (© Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne)

 

 

Dans la strophe 2, l'impératif « descendez, tuez ! »  montre la nécessité d'agir vite. On note aussi la présence du champ lexical des armes : « fusils, grenades ». L'appel à la lutte armée est donc très clair. D'ailleurs, en 1943, la résistance intérieure, en France occupée, est organisée en armée de combat. Les armes leur sont livrées par les Alliés, et certaines sont fabriquées par les résistants eux-mêmes. Cette strophe fait allusion à ce contexte.

 

L.1 : Le chant fait encore appel à l'aide de tout le peuple français : « Montez de la mine, descendez des collines ». Les paysans et les mineurs, tout comme les ouvriers, très nombreux dans les années 1940 en France, sont appelés à la lutte. Ce ne sont d’ailleurs que des travailleurs manuels. Cela lié au substantif « camarades » montre l’inspiration communiste du texte.

 

L.2, 3 et 4 : « Tueurs », « balle », « couteau », « saboteur », « dynamite » : tous les moyens sont bons pour vaincre, selon ce texte. L’essentiel est de frapper le plus fort possible. En effet, après la souffrance de 1940 et l'espoir d’une victoire rapide des Alliés, c’est la violence qui doit permettre de libérer la France de l’occupation : les résistants ne  reculent devant rien. Il s’agit d’une vraie guerre menée non par des soldats mais par des gens du peuple ayant soif de liberté, de revanche. Cette guerre est menée par des sabotages (de chemins de fer, comme sur la photo ci-dessus, par exemple), des meurtres, des actions terroristes. Mais aussi par la presse clandestine, l’espionnage, etc.

 

  

STROPHE 3

 

Execution 23 membres du groupe résistant Manouchian en 1944

Des soldats allemands fusillent 23 membres du groupe résistant Manouchian en 1944

 

 

Dans la strophe 3, on nous donne les raisons de ce combat. Les Allemands apportent « la misère », « la faim ». Ils torturent et pillent les Français (évoqués par « nous », « on »).

 

L.1 : « Barreaux », « prison » : ces mots sont des symboles de la répression. Beaucoup de résistant (« frères ») furent d'ailleurs envoyés dans des camps de concentration en Allemagne. Mais la présence du verbe « briser » montre la volonté de libération du pays, et l’espoir d’une fin de la terreur. En effet, les Allemands perdent du terrain en 1943, année ou fut créé le Chant des partisans. Leur défaite apparaît inévitable.

 

L.2 : Ici, le texte énumère l'état dans lequel les Allemands laissent le peuple de France : « misère », « faim ». Ce sont les raisons du combat, le moteur de la résistance. Le texte cherche à provoquer la révolte de ceux qui subissent l’occupation et ne sont pas encore résistants.

 

L.3 : Le texte parle ici des pays en paix où l'on « rêve », tandis qu'en France, à la L.4 : « nous on marche et nous on tue, nous on crève ». Ce qui fait allusion à la situation dramatique du pays, réduit en esclavage.  Si ailleurs la paix est possible : pourquoi pas en France ?

 

 

STROPHE 4

 

Tract des FFL appelant à la résistance (Londres)  Aux armes citoyens

Tract des FFL appelant à la résistance (Londres)

 

 

Cette strophe résume d’abord les risques encourus par tout résistant : arrestation, torture, déportation, mort. Il met aussi en avant l’esprit de solidarité liant les résistants.

 

L.1 : « Chacun » désire la liberté, et « sait ce qu’il fait ». Cela signifie que les résistants ont conscience des risques qu’ils prennent, mais que leur combat est plus important que leur vie.

 

L.2 : Ici, le texte évoque l’action clandestine (« sort de l’ombre ») des résistants, mais aussi la solidarité qui les unit : ils forment une chaîne infinie jusque dans la mort (« Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place »). Le nombre fait la force de la Résistance. Pour vaincre, tous ceux qui n’ont pas encore pris les armes doivent se mobiliser contre l’ennemi.

 

L.3 : Le « sang noir » du vers 15 fait référence au « vol noir » du vers 1, mais il annonce la fin du nazisme (le sans noir est donc celui de l’ennemi : cette couleur fait aussi référence à la couleur des uniformes des S.S, soldats d'élite allemands fessant régner la terreur). Le « grand soleil » qui brillera fait référence à la liberté bientôt retrouvée.

 

L.4 : Dans les deux derniers vers, l’espoir de la libération s’affirme : l’utilisation du futur « séchera » et de l’impératif « chantez » le confirme. La personnification de la liberté renforce également cette impression : la liberté, « qui écoute », est présentée comme un humain au milieu des résistants.

 

RÉPÉTITION : Après la strophe 4, nous retrouvons les paroles des premiers vers : « Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ? », suivie d'une partie fredonnée par Anna Marly et les autres interprètes (« oh, oh », qui reprend la mélodie). Les sifflets fredonnant alors la mélodie évoquent ceux des résistants, qui peuvent fredonner la musique comme signe de ralliement.

 

 

 NOS IMPRESSIONS

 

          Le Chant des partisans possède un texte puissant. C’est un texte direct, qui ne cache rien des souffrances des Français ou des risques pris par les résistants. Ces paroles sont un appel au sacrifice. Pour leurs auteurs, la vie d’un homme est moins importante que la liberté de tous les autres et du pays. Si ce message semble avoir moins de sens dans le contexte actuel de paix, il montre que pendant la Seconde guerre mondiale la liberté était tellement menacée qu’il fallait risquer sa vie pour elle.

 

 

 

Conclusion

 

Travailler sur Le Chant des partisans nous a beaucoup plu. En effet l’histoire de cette chanson et le symbole qu'elle porte sont forts. Les résistants ont risqué leurs vies pour la liberté, et ils ont fait preuve de beaucoup de bravoure. Dans le département de notre Lycée, à Saint-Lys, à eu lieu, comme ailleurs, une exécution de membres du maquis, environ 20, en 1944. 

 

Ce chant glorifie justement ces sacrifices et motive les résistants, ces hommes et femmes de touts horizons qui n'ont pas hésité à aller jusqu'au bout d’eux-mêmes contre les nazis, qu'ils soient anonymes ou non. Ce chant emblématique de la Résistance et de la Libération reste aujourd’hui encore un hymne à l’insoumission et à la liberté. Pour nous, il est un message universel porteur d'espoir.

 

Résistants français de la France occupée 1944 Maquis Femme

Des résistants français de la France occupée (date et auteur inconnus)

 

 

          La force de cette œuvre explique que de nombreux chanteurs et artistes l’ont reprise régulièrement : Germaine Sablon (cf. vidéo au-dessus de l’article), Jean Ferrat, Yves Montand ... ou plus récemment le groupe toulousain Zebda (en 1997), Benjamin Biolay (en 2014), etc.

 

 

 

*          *          *

 

 

A LIRE ET A VOIR SUR LE SUJET

 

« Vidéo d'Anna Marly chantant la version originale du Chant des partisans qu'elle écrivit en russe » sur le site internet http://stengazeta.over-blog.com/

 

« Naissance et destinée du Chant des Partisans », document PDF sur fndirp.asso.fr

 

« Anna Marly raconte la création du Chant des partisans » : vidéo en ligne sur youtube (sans mention de l’origine de l’enregistrement).

 

Anna Marly, Anna Marly, troubadour de la Résistance : Mémoires, éd. Tallandier, coll. « Historia », Paris, 2000.

 

Yves Courrière, Joseph Kessel ou sur la piste du lion, Plon, 1985. 

 

Olivier Mathieu, Éloge de Maurice Druon, Nantes, Les Petits bonheurs, 2011, 39 p. (lire en ligne)

 

 

 

 Partie réalisée par Jehan VINCENT et Estève REY-BETHBEDER

 

 


© SITE LYCÉEN  "RÉSISTER PAR L'ART ET LA LITTÉRATURE" - CNRD 2016